jeudi 24 décembre 2020

Conte de Noël : « Ça sent le sapin ! »

Conte de Noël : « Ça sent le sapin ! »


(illustration Paolo Barbieri)

   

Quand c’est la saison claire, à vau-de-route, ça tintinnabule ici et là dans la nature… Les grenouilles coassent, les corbeaux croassent, les sangliers grommellent, les pies jacassent, les mulots chicotent, les hirondelles gazouillent, les dindons gloussent et j’en passe !

Pour les conteuses, c’est le paradis pour une cueillette d’histoires et de rumeurs à raconter !

Quand la saison sombre vient, la nature s’enroule dans son édredon de silences, de murmures et de mystères… Cest le moment propice pour les conteuses de tricoter et de filer au coin du feu des légendes. Car oui ! c’est au cœur de l’hiver et à la lueur des bougies que naissent les plus belles histoires à partager.

Nos anciens disaient souvent quand vient une période sombre ou une fin : « ça sent le sapin !!! »… ou «  ça sent le roussi !»… Mais à mon humble avis, quand vient la douce période de Noël, ces expressions prennent pour moi un sens bien plus poétique. Cela m’évoque la bonne odeur du sapin décoré, la bonne odeur du feu qui crépite dans l’âtre, ou encore la bonne odeur des pâtés en croûte, du pain d’épices et des bonnes soupes.

Bref ! Ça sent le sapin ! Le sapin… Les montagnes… Les grands espaces et le grand air !

Saviez-vous qu’au commencement, les dieux et les déesses créèrent la terre et le ciel ? Chacun d’eux apporta sa touche personnelle pour forger le berceau qui accueillerait les humains et les animaux.

Parmi ces dieux, il y en avait un, plus rebelle que les autres : le diable. Il décida de s’affranchir de ses aînés. Fort d’ambition, il quitta les cieux pour vivre dans les entrailles de la terre et il devint le roi des enfers. Comme tout roi, le diable avait une reine et des enfants… beaucoup d’enfants… beaucoup trop de d’enfants… toute une marmaille bruyante et insolente !!!

On raconte que, le diable ne trouvait plus le repos, il ne dormait plus et il n’en pouvait plus tant sa marmaille faisait un tohu-bohu à ne pas s’entendre. Lassé de cette agitation permanente, il expédia ses enfants sur terre afin de retrouver un peu de sérénité. Sur terre, ce fut une pluie de diablotins qui s’abattit sur les montagnes et les endroits les plus isolés du monde. Seulement voilà, les diablotins étaient habitués au cocon chaleureux des enfers, ici dans les montagnes tout paraît bien plus hostile.

L’été, les rochers brûlent les fesses quand le soleil tape et l’hiver, quand les vents froids soufflent sur la cime des montagnes, on grelotte. Il faut dire qu’à cette époque, les plaines, les collines et les montagnes étaient encore vides. Pas un brin de fleur ni même un brin de chamois !

« Ça sent le roussi ! » se dit le diable en entendant ses marmots chouiner parce-qu’ils avaient trop chaud ou trop froid. Il fallait vite qu’il trouve une solution pour que les diablotins ne reviennent pas au bercail. Le repos, c’est sacré !

Alors, il fit pousser des buissons, de mignons petits buissons, mais à son grand désarroi cela fit venir des chevreuils, des chamois, et des lapins qui grignotèrent les baies et le moindre bourgeon.

Il ne resta rien, pas une brindille ni même une feuille. Le diable fit pousser des noisetiers et des alisiers, plus grands, mais là encore tout fut brouté !

Bien embarrassé, le diable fit pousser des arbres encore plus grands et plus feuillus, des hêtres, des chênes et des frênes. Arriva l’automne, toutes les feuilles des arbres, cramoisies et dorées, se retrouvèrent à terre en un grand tapis moelleux pour le plus grand réconfort de nos diablotins. Ces derniers passèrent des heures à chahuter dans ce tapis douillet. Mais, des arbres nus, cela ne protège pas des pluies, ni même des flocons de neige et les diablotins pleurèrent encore d’être trop mouillés et d’avoir froidAlors le diable dut encore remuer ses méninges, pour trouver une solution définitive.

Il fallait un arbre qui protège du vent, de la pluie, de la neige, du froid et de la chaleur. Un arbre qui ne soit pas grignoté par les animaux gourmands et qui soit résistant aux saisons.

Ainsi le diable fit naître le sapin, il reste vert en toutes saisons, protège des intempéries, éloigne les gourmands avec ses branches hérissées, prospère sur toutes les hauteurs et il offre au pied de ses racines, une mousse verte et confortable pour se reposer.

Toute cette histoire suppose aussi que la marmaille du diable est restée sur terre... On peut dire que « ça sent le sapin ! », car si d’aventure vous êtes victimes d’une blague, d’un boucan suspect dans votre maison ou encore d’objets qui disparaissent, c’est sans aucun doute un des diablotins frileux qui s’est réfugié chez vous ! Mais rassurez-vous, comme tout lutins ou esprit familier du logis, on sait l’amadouer de sucreries pour le rendre plus sage et serviable !


Hélégia

24/12/2020


(conte inspiré de légendes du Jura)

Vous l'aurez constaté, l'expression "ça sent le sapin", bien qu'à l'origine morbide, est ici totalement détournée. Non seulement pour exprimer les odeurs positives liées à Noël, au sapin et aux espaces verdoyants, mais également pour marquer le côté impromptu et espiègle de la vie. Alors amusez-vous des facéties de la vie, transformez le négatif en positif, et profitez de chaque instant de la vie, comme les petits diablotins... 

 

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