mardi 22 février 2022

Le Diable boiteux

"Le Diable boiteux."

 

Le temps est aujourd’hui à la pluie et à la tempête, il semble y avoir dans l’air des nuées de diablotins grincheux qui courent sur les toits et qui sifflent dans les frondaisons. Un temps à rester chez soi bien au chaud et à l’abri des projectiles jetés par ces troublions…

Ce temps me donne envie de vous raconter une histoire pleine de malices et de jeux…

Partons pour la contrée du Mont des Cats, à la basse-cour de Wignacourt où chaque jour rires d’enfants et chants du coq font vibrer les murs d’enceinte du château fort. Il faut bien se l’avouer les enfants rivalisent de créativité et de malice pour trouver mille et unes astuces pour s’amuser au Moyen-Age. Pendant que les parents travaillent aux champs ou à la cour de sa seigneurie, les enfants font de petites besognes et le reste du temps courent après les poules, jouent à cache-cache derrière des meules, piquent les vieux cercles du tonnelier et tyrannisent les lavandières.

Parfois le fils du seigneur, Tristan, vient en catimini jouer avec ses copains de la basse-cour, ils jouent alors à la marelle, à la toupie ou aux billes de terre cuite ( à défaut avec des noisettes).

Un jour, voulant épater ses copains, il leur propose de jouer à un nouveau jeu très réputé à la cour mais réservé aux nobles adultes. Ils jouent donc à « Le roi qui jamais ne ment », les joueurs élisent un « Roi » fictif et lui posent à tour de rôle une question. Mais attention... Ce jeu exige l’exacte vérité, sans triche, avec une subtile diplomatie et avec élégance. Hors, vous le savez tout comme moi, les enfants ne sont pas très doués pour éviter de froisser un camarade et ça part vite au pugilat.

Évidemment, celui qui est « Roi » ce jour là n’est autre que Tristan, il se vexe vite et fait preuve d’une colère digne d’un seigneur de mauvaise foi. Attiré par les railleries et les cris des enfants, un étrange personnage somptueusement vêtu de noir, aux yeux vicieux et doigts crochus, s’approche des enfants et s’invite à leur jeu. Un silence s’est posé sur le conflit des enfants, l’intrus impose ses propres règles, c’est maintenant lui le « Roi » et chaque enfant doit répondre à ses questions sans mentir… S’ils mentent, c’est la sentence ! Les enfants ne savent pas à quelle sentence s’attendre, mais l’enfer brille tant dans les yeux de l’inconnu, ils devinent aisément que leurs vies et leurs âmes sont menacées.

Chacun sait… L’union fait la force ! Les enfants s’unissent malgré leurs différents, ils grugent l’inconnu, mentent avec subtilité et intelligence à chaque question, et se sortent avec brio de chaque « question piège ». A tel point que l’inconnu, qui n’est autre que le diable, finit par perdre patience et se met en colère… Une colère monstrueuse qui révèle enfin son vrai visage. Sa seigneurie, le diable, n’aime pas perdre ! Le voilà maintenant plus grand qu’une montagne de barriques de vin, la tête munie de cornes démesurées, la bouche béante et la langue brûlante de flammes, les pieds bottés de sabots, et une queue de dragon écailleuse et pointue.

Les enfants, effrayés, tentent de fuir et courent dans tout les sens. Le diable, rapide, frappe un des enfants avec sa queue, le tue et en fait un démon. Les autres enfants essaient de se cacher du mieux possible, mais un autre enfant est touché. Alerté par les cris de terreur des enfants, le seigneur du château, accompagné du curé, intervient avec toute sa garde et fait déguerpir le diable à coup de prières et d’épées. Le diable, lourdement blessé à un sabot, repart boiteux comme un miséreux. Tristan, le Fils du Seigneur, et ses compagnons s’en sont sortis de justesse, ils ont perdu deux amis et se jurent de ne plus se chamailler pour des broutilles.

Depuis ce jour-là, les enfants jouent à un jeu bien connu qui s’appelle « Le diable boiteux ». Les règles du jeu sont assez simples. On représente au sol un carré de 2m sur 2m qui est l’antre du diable. Un des enfants fait le diable et quand il sort du carré (en se déplaçant en boitant ou à cloche pied) il crie « le diable vient ». Aussitôt les autres enfants doivent éviter de se faire toucher par le morceau de tissu qu’il tient enroulé à sa main et symbolisant la queue du diable. L’enfant touché devient alors à son tour un diablotin qui aide le diable dans sa chasse. Le dernier joueur restant gagne la partie.

 

Hélégia (22/02/2022)

Conte écrit pour l’Association Le Merelle et les Hirondelles.


 

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